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Comme dessert du jour de soutenance : Mémoire à la crème de qualité

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Comme nous le savons bien, l’écriture de mémoire comprend quatre étapes essentielles, plus précisément problématisation, rédaction, édition et enfin soutenance.

La première idée qui vient à l’esprit c’est qu’il est difficile à aborder au moins une de ces étapes, mais quelle horreur, il y en a quatre! Mais calmons-nous et allons à notre coin-cuisine pour trouver des inspirations et des idées pour le mémoire dans notre livre de cuisine L’atelier d’écriture écrit par Bruno Tessarech [1].

Comme tout bon pâtissier, commençons à préparer notre dessert       « Mémoire à la crème de qualité » pas à pas pour le servir de la meilleure façon le jour de soutenance.

Notre première étape, c’est celle de problématisation. Les ingrédients de cette étape sont divers : acteurs, situations ou contextes, expériences, sujets, problématiques, hypothèses, plans, émotions, idées, lecteurs. Notre tâche c’est d’essayer de tout relier, c’est-à-dire de mettre en lien des expériences et des problèmes du terrain avec des champs de recherche (notionnels, disciplinaires, scientifiques). C’est à nous de « borner ce nouveau territoire, organiser [notre] existence, structurer [notre] temps d’une autre façon » ([1], p. 36) et comme dit Bruno Tessarech « nourrir le ver solidaire » ([1], Ibidem.)

 Pour comprendre bien cette étape, il s’agit de lire attentivement les idées suivantes, écrites dans notre livre de cuisine : « Tout ce que vous pourrez créer grâce aux mots, votre capacité d’invention et l’énergie que vous déploierez, tout cela dépend d’une décision initiale » ([1], p. 32), dans notre cas, d’une décision concernant tous les ingrédients à l’étape de problématisation, mais « non pas celle d’écrire plus tard, un jour, quand vous aurez le temps, l’inspiration, le courage, mais dès aujourd’hui. Et d’organiser votre existence en fonction de cet impératif catégorique » ([1], p. 33).

Un des ingrédients auquel j’aimerais faire attention particulière, c’est le lecteur de notre mémoire. N’écrivons pas seulement pour lui, mais avec lui, appuyons-nous sur « les pensées de ce personnage invisible » ([1], p. 24). L’idée c’est de prendre ce lecteur invisible « par la main et de ne pas [le] perdre en cours de route ». Notre livre de cuisine souligne également l’idée suivante : « tant que vous prendrez la plume sans avoir ce lecteur connu ou inconnu en tête, cela voudra dire que vous n’êtes pas prêt » ([1], p. 41).

À cette étape, rappelons-nous que nous ne pouvons rien « écrire de convaincant à moins d’en être convaincus [nous]-même » ([1], p. 17).        « Travaillons donc à être convaincus nous-mêmes de ce que nous écrivons. Ce sera là notre méthode ; partir à la recherche des meilleurs moyens pour écrire ce qui nous hante et ne demande qu’à venir au monde » ([1], p. 18).

Passons maintenant à l’étape suivante, c’est celle de rédaction. Les ingrédients qu’il est nécessaire à ajouter à notre mémoire sont narration, argumentation, lectures, écritures, enquêtes, observations. Il est important de rédiger tout le temps, de réussir à problématiser en racontant, c’est-à-dire narrer nos arguments, trouver une pensée dialogique entre « tu » et « je ». Du côté de « tu », représentant les voix des autres, il y a des auteurs, des chercheurs, des lectures, des enquêtes et des observations. Du côté de « je », symbolisant nos voix au sens de nos propres réflexions, nos idées, il y a de la narration (nous narrons nos arguments) et de l’argumentation (nous tirons les arguments de nos lectures). Cette étape est donc consacrée à la recherche de ce « va-et-vient entre écriture et monde » ([1], p. 56).

Ensuite, observons une page blanche ou quelques pages du texte écrit et rappelons-nous encore une fois pourquoi nous écrivons. C’est une question centrale non seulement pour l’étape de rédaction, mais aussi pour celle d’édition, car elle évoque le rôle de lecteur mentionné à l’étape précédente. Imaginons toujours ce lecteur qui est « en face mais en même temps à côté du texte » ([1], p. 22), car chaque fois que nous traçons « des mots sur une page, un lecteur omniprésent, bien qu’invisible, se tient à [nos] côtés et donne son plein sens à [notre] texte » ([1], p. 23).

À l’étape d’édition, il s’agit d’avoir les ingrédients suivants : style(s) d’écritures, titres, sous-titres, paragraphes (narratifs, argumentatifs, citations, paroles de terrain), chapitres, références (notes, bibliographie, annexes).

Pour ce qui est de notre style d’écriture, il est nécessaire de l’inventer, car il donne le ton unique à notre mémoire. Ce ton représente la musique exceptionnelle du texte, la musique à lui seul. C’est « cette musique personnelle que tout auteur recherche » ([1], p. 23) pour pouvoir apporter au lecteur le même plaisir et la même réflexion que nous connaissons nous-mêmes avec notre texte.

En outre, un des ingrédients fondamentaux de cette étape, c’est celui de marges, notamment quatre marges de la page et les marges entre nos parties de mémoire. Mais pourquoi jouent-elles un rôle si important ? Elles représentent juste « une réserve de blanc » ([1], p. 20). Oui, mais ce « blanc n’encadre pas seulement le noir [qui est le texte], il l’aère et l’équilibre » ([1], Ibidem.) Ce blanc joue un rôle de         « contrepoids à la masse compacte des lignes » ([1], Ibidem.) Ainsi, nous avons « cinquante pour cent de texte, cinquante pour cent de non-texte» ([1], Ibidem.)

L’avantage c’est que les marges, les paragraphes et les chapitres peuvent créer des pauses et augmenter le confort du lecteur. S’il y en a peu, le texte peut commencer à étouffer notre lecteur. Réfléchissons toujours à notre lecteur, même s’il peut par lui-même contrôler sa lecture, en faisant les pauses où il le veut. Par exemple, il lui suffit de lever les yeux du texte pour que la pause se fasse d’elle-même. En réalité, notre lecteur a besoin des marges non pour arrêter sa lecture mais pour mieux la poursuivre. Les marges représentent le « pouvoir créatif de lecteur, et l’équilibre entre texte et vide ne correspond qu’à un juste partage des tâches : à l’auteur l’espace du texte, au lecteur le sien, les deux formant des parts égales » ([1], p. 21). C’est grâce à ce vide que le lecteur peut « compléter les phrases de l’auteur, imaginer, participer à sa vie, l’enrichir de [sa] propre expérience, l’incorporer à [son] soi propre » ([1], p. 22).

Enfin, à l’étape de soutenance, il s’agit de tenir en tête que personne n’est si inspiré par notre sujet de mémoire que nous-mêmes. L’essentiel c’est de réussir à inspirer le jury. Espérons qu’il ne sera pas trop compliqué de le faire, car le jour de soutenance, comme dit Bruno Tessarech « vous saurez que vous êtes devenu autre, à la fois vous-même et multiple » ([1], p. 33) grâce à nos efforts et nos connaissances, c’est pourquoi nous serons plus rassurés que maintenant. La paix et la certitude viendront avec l’idée que nous avons fait tout possible pour laisser une trace dans la chaîne des recherches scientifiques et, peut-être, dans les coeurs de jury.

 Remettons-nous donc à la préparation de notre dessert « Memoire à la crème de qualité » avec enthousiasme et courage, car c’est la seule façon de rendre supportable l’énorme travail que réclame son écriture.

 « Abandonnons le rêve d’atteindre les sommets inaccessibles, Inspiration, Message, Destin, Absolu, Oeuvre, et écoutons notre plaisir d’écrire » ([1], p. 78).

Commençons à rêver sur notre mémoire comme nous rêvons sur un être et nous verrons que la feuille ne résistera pas et ne restera jamais désespérément blanche.

 C’est ça la magie de l’écriture.

 

Bibliographie

[1] TESSARECH, B. (2015), L’atelier d’écriture. Leçons à un futur écrivain, Paris, Éditions Jean-Claude Lattès.

VORONTSOVA-MENALO Anna

Etudiante en Master 2 Didactique du FLE/S et langues du monde, à l'Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3.

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