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Vive le plurilinguisme?

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Image trouvée dans Google Images.

En faisant mes recherches, en étant sur le terrain , en observant mes apprenants, en formant mes propres pensées, je me suis rendue compte à quel point j’ai changé. Je ne suis pas la même Olga-chercheuse que j’étais en novembre (d’ailleurs je ne suis pas la même Olga qu’hier mais ceci est  un sujet psycho-philosophique plus complexe à exploiter). Comme tous les êtres humains (oui même nous les enseignants) j’avais certains stéréotypes, préjugés, représentations avant de commencer mes recherches, avant de me situer dans ma problématique et avant de commencer le terrain.

Mes lectures m’ont beaucoup apporté et éclairé sur certaines notions et concepts. L. Dabène, F. Grosjean, V. Castellotti, P. Bernard, C. Tagliante sont certains grâce auxquels des notions et concepts comme bi/-plurilinguisme, interference, langue maternelle, langue étrangère, immigré, réfugié, altérnance codique etc me sont devenus plus compréhensibles. D’ailleurs j’ai pu comprendre plusieurs faits sur ma propre biographie langagière ce que j’ai trouvé précieux car toutes ces années j’ignorais certains faits linguistiques de mon propre parcours.

Vous vous demanderez pourquoi ce titre. Ou plutôt pourquoi ce point d’interrogation. Pendant toute ma vie je n’avais aucun doute que parler plusieurs langues est formidable, génial (d’ailleurs c’est toujours mon avis). Ce qui a joué un rôle important c’est aussi et surtout le fait que j’ai grandi dans un environnement qui était favorable au plurilinguisme que ça soit à l’école ou à la maison.

Mais certains cas des gens  que j’ai rencontrés et qui refusaient de parler d’une et dans une langue qu’ils connaissaient m’a fait réflechir. Je pense surtout aux gens que j’ai rencontrés en France et qui viennent des pays de l’Ex-union soviétique comme la Géorgie, la Bulgarie, l’Ukraine. Moi avec mon enthousiasme que oui les langues c’est la joie j’étais prête à parler en russe avec eux et pas seulement prête c’est que j’attendais d’eux de parler en russe.  Mais je ne prenais pas en compte tous les autres facteurs qui obscurcissent l’acquisition et les représentations sur les langues et avant tout le vécu propre de chaque personne. Donc même si ces gens connaissaient le russe ils ne voulaient ni l’affirmer ni me parler en russe car il y toujours des pensées des traumatismes politiques de leur propre langue maternelle et nationale qui était réprimé pendant l’Union soviétique. Depuis alors je fais attention! J’ai compris qu’en fait pour beaucoup de gens être plurilingue n’a même pas été un choix personnel mais plutôt imposé pour des raisons historiques , économiques et surtout politiques .

 Pendant les premiers cours de FLE que j’ai donnés certains de mes apprenants trouvaient ça étrange quand je demandais à tel ou tel apprenant de me dire comme ça se dit tel ou tel mot  dans leur langue . Ils m’ont même affirmé que c’est un cours de français et pas d’arabe ni de somalien. J’étais étonné! D’une part j’étais contente car je me disais oui ils sont motivés pour apprendre le français et d’autre part je me disais mais pourquoi parlent ils aussi peu de leur langue et ne veulent pas savoir qu’est-ce qui se passe dans la syntaxe d’une autre langue. Dans un moment je me sentais tellement découragée que je pensais changer de terrain et de problématique. Mais tous ces difficultés font partie de notre mémoire car elles reflètent le continuum, les étapes de nos recherches.

J’ai compris plus tard. Pour ces apprenants, leur priorité c’est le français et ce n’est pas seulement une priorité c’est même une urgence. Donc pour un afghan qui ne s’intéresse pas à l’arabe savoir comment on dit pomme en arabe l’importe très peu et on peut avoir le même cas pour l’inverse. Donc j’ai changé un peu ma politique et mes représentations sur le plurilinguisme. Le plurilinguisme est un bien mais ce n’est pas tout le monde qui veut ce bien et il ne faut pas l’imposer.

Un autre cas qui m’a perturbé c’est cette maman de quatre enfants qui me parle rarement de sa langue. Elle est une des plus motivés. Mais maintenant je comprends. Même si le lien entre LM et nous même est fort (surtout pour les adultes) il y a de gens qui commençant une nouvelle vie  ailleurs, réservent leur langue maternelle à des domaines de la vie personnelle . Quand cette maman sort de sa maison et ferme la porte c’est le monde de la langue française. Et quand elle rentre il y a la présence de deux langues désormais, du français et du somalien car elle doit aider ses enfants à faire les devoirs, et souvent les enfants parlent déjà en français mieux qu’elle car ils passent la majorité du temps à l’école.

Ce dernier temps mes groupes se sont homogénéisés. Cela veut dire que pour l’un de mes groupes il y a seulement les Afghans et pour l’autre un arabophone avec un persanophone. Il m’a fallu beaucoup réfléchir avant cette homogénéisation et la question se pose toujours ; comment éviter une guerre de langues? Car ne pas se comprendre, ne pas parler la même langue, ne pas parvenir à faire comprendre le message qu’on veut exprimer peut poser beaucoup des difficultés tant pour les apprenants que pour les enseignants comme moi qui plaident pour le plurilinguisme.

Olga Kourntidou

Titulaire d'une Licence de Russe délivrée par l'Université de Strasbourg, je suis actuellement étudiante en M2 Didactique du FLE/FLS et langues du monde à l'Université de Paris 3- Sorbonne Nouvelle.

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